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Partenariat : Le programme Toits d’Abord de la Fondation Abbé Pierre

01/09/2016 | Partenariat : Le programme Toits d'Abord de la Fondation Abbé Pierre

Bertrand Lapostolet©Séb!Godefroy - 24Solidarités Nouvelles pour le Logement a établi un partenariat durable et essentiel avec le programme Toits d’Abord de la Fondation Abbé Pierre. Toits d’Abord soutient et accompagne le développement du pôle de Maîtrise d’Ouvrage d’Insertion  (MOI) de SNL, et la production de logements très sociaux à coût d’usage maîtrisé.

Entretien avec Bertrand Lapostolet, chargé du programme « Toits d’abord »

Le programme « Toits d’Abord » est le 3ème programme de soutien au logement d’insertion de la Fondation Abbé Pierre (FAP), après « 1500 logements très sociaux » (2005) puis « 2000 toits pour 2000 familles » (2008). 4 personnes (2,5 ETP) traitent 200 conventions par an, pour un volume de 600 à 700 logements. Depuis 2005, ces programmes de soutien spécifiques à la production de logements d’insertion ont permis de soutenir la création d’environ 7000 logements.  Il s’agit de l’effort le plus conséquent de la Fondation : Toits d’Abord mobilise plus d’un quart des subventions allouées par la Fondation Abbé Pierre.  C’est un engagement fort de la FAP, pas du tout anodin, que les administrateurs ont souhaité maintenir dans la durée, convaincus de la pertinence de la réponse. La FAP contribue ainsi à hauteur d’environ 10% de l’investissement pour chaque projet SNL.

Combien de partenaires pour Toits d’Abord ?

Nous avons une quarantaine de partenaires MOI. Ce sont des associations ou des acteurs coopératifs à gouvernance associative (UES, SCIC…), avec qui la FAP travaille sur plusieurs années.

Le programme est national, majoritairement concentré dans les régions les plus peuplées qui sont aussi celles qui concentrent le plus de mal-logement : Ile de France, Rhône-Alpes, Nord-Pas de Calais, PACA. La couverture territoriale s’étend : c’est la démonstration qu’il y a des besoins partout ! Les réponses à apporter à ces publics éloignés des circuits classiques du logement sont très différentes même au sein de l’Ile de France.

Il y a une grande convergence entre le type de production de SNL et ce que nous souhaitons soutenir. La FAP a aussi d’autres partenaires en IDF, qui s’occupent d’autres segments. L’apport de la FAP est complémentaire à la levée de fonds propres amenée par les bénévoles de Solidarités Nouvelles pour le Logement. Pour travailler en secteur très tendu, on doit aider SNL pour l’obtention « des fonds gratuits » (les subventions), car le coût du foncier et des travaux sont importants. L’équation économique n’est pas facile à résoudre !

Quels sont les critères pour soutenir un projet ?

Nous travaillons avec des acteurs qui partent de la demande. Et pour les demandes prioritaires de logement qui sont bloquées, en rapport avec le territoire concerné.

Les projets de logements d’insertion que nous aidons à financer ne doivent pas être  stigmatisants. Ils doivent être complètement invisibles, notamment par le rachat de lots de copropriété, qui ne se différencient pas du lot d’à côté. Il faut que la partie « bâti » du projet soit une aide au parcours des gens : qu’elle soit une image positive. Nous attachons de l’importance à la qualité patrimoniale. Le programme Toits d’Abord, c’est bien du « travail en dentelle ». La taille moyenne des opérations est de 2 logements.

Les projets doivent au moins proposer une gestion locative adaptée et une possibilité d’accompagnement par des bénévoles, et/ou des professionnels, en fonction des besoins. Il n’y a jamais « que du bâti «  et nous ne soutenons que très peu de construction.

Nous sommes enfin très mobilisés dans la lutte contre la précarité énergétique. Même avec des loyers en PLAI, il faut penser aux coûts d’usage pour les locataires : l’eau, l’entretien, et surtout l’énergie. Il ne faut pas que le locataire soit obligé d’arbitrer dans ses dépenses, déjà contraintes ! Une bonne réponse, c’est un logement sobre, non pas spartiate, mais conçu pour une utilisation normale, confortable, qui soit adapté aux ressources des gens. On ne soutiendra pas un projet qui ne prenne pas en compte ces aspects-là.

« Le contexte actuel n’est pas facile »

On constate malheureusement l’érosion des financements Prêt Locatif Aidé d’Intégration (PLAI). On essaie de travailler avec l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) : on a obtenu un fléchage des amendes SRU sur la proportion de logements très sociaux. Cela fait maintenant 4 ans que cet argent n’arrive pas à être utilisé correctement pour cause d’usine à gaz administrative et d’absence de réelle volonté de mise en œuvre ! En juin 2016, on ne connaît toujours pas les conditions de ce co-financement …

Comment peut-on financer un projet dans ces conditions ? Comment négocier un compromis de vente pour acheter un bien et faire du logement d’insertion si l’on ne sait pas dans combien de mois on pourra lever la réserve d’obtention des financements ?

Il y a eu une alerte, grâce à la mobilisation associative, en cours d’année 2015. La FAP, la FAPIL, SOLIHA, sommes allés au ministère pour dire qu’il fallait prendre des mesures. Cela a permis de soutenir la production d’à peine plus de 600 logements ; c’est mieux que les 300 de l’année précédente, mais ce n’est pas suffisant. Un travail de conviction permanente est à faire…

On a l’ambition d’une production plus importante. Le besoin quantitatif sur le plan national, de production annuelle de logement est de l’ordre de 5000 par an (cf. LIEN VERS plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté). Les besoins quantitatifs ne sont pas démesurés !

Vu les besoins, il est scandaleux et très dommageable de constater que Le Fonds national de développement d’une offre de logements locatifs très sociaux (FNDOLLTS intégré depuis juillet 2016 au Fond national des aides à la pierre) dispose d’environ 20 millions qui n’ont pas été engagés…

La mobilisation du foncier

Il y a deux manières d’utiliser le foncier privé, la première étant de l’acheter. Lorsqu’on est dans l’associatif et « secteur tendu » comme dans une bonne partie de l’Ile de France, le prix au mètre carré est très cher et nous ne sommes pas prioritaires par rapport aux autres acheteurs, nos réserves dépendant de l’obtention des financements.  L’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France (EPFIF) permet de bénéficier de foncier qui va être rendu accessible. SNL en a bénéficié, notamment en Essonne.

Le démembrement de propriété, sur le parc privé ou de collectivités, est un autre moyen. On propose de prendre en bail à réhabilitation (BAR), ou en bail emphytéotique. Avec le soutien à la MOI, nous apportons une solution à deux problèmes fréquents rencontrés les collectivités : une demande de logement non résolue, et un bâti en déshérence. Le bâti est valorisé car réhabilité avec une vraie qualité de réalisation technique, et son usage est garanti pour le logement très social.

Les propriétaires privés qu’on arrive à mobiliser sont déjà très militants. Il faut renforcer l’attractivité économique de ces dispositifs afin d’obtenir que l’équilibre de la contrepartie soit suffisamment intéressant. Pourquoi par exemple, ne pas proposer un loyer capitalisé pour les baux à réhabilitation ?

Si une commune a l’habitude de travailler sur un temps long, comment imaginer, pour un particulier, pour une famille, se projeter sur 40 ans ? C’est mettre en question la transmission familiale… Si le minimum légal du bail à réhabilitation est de 12 ans, on voit que pour emporter l’adhésion des privés, il faut être sur un cycle de 15-20 ans maximum ; sauf qu’avec des durées si faibles, il est très compliqué d’équilibrer financièrement les opérations.

Si on veut mobiliser davantage, il faut de la publicité, de l’amélioration des financements, soutenir les opérateurs et leur offrir une visibilité, car aujourd’hui la fragilité des acteurs de la Maîtrise d’Ouvrage d’Insertion est inconciliable avec la durée des cycles de production.

Il faut que la collectivité garantisse des ressources. Les arbitrages sont à court terme. Aujourd’hui on consacre des millions d’euros à payer des nuitées d’hôtel, alors qu’une partie conséquente des gens qui y sont logés pourraient être des locataires SNL avec une meilleure réponse…

Augmenter la production de logements SNL de 50 à 150 logements par an ?

Le potentiel y est ! Cela implique deux choses : développer à l’intérieur des départements une capacité de production, 92, 94, et défricher de nouveaux territoires, les 77, 93 et 95.

Il faut aussi faire attention, dans nos secteurs associatifs, à travailler en coopération et pas en concurrence ! Il y a suffisamment de travail pour tout le monde !

Le modèle SNL est un modèle « bottom-up », qui part des groupes locaux. Ça prend du temps ! Il y a tout à faire sur les nouveaux territoires !

Bertrand Lapostolet, est arrivé à la Fondation Abbé Pierre en 2008, pour le lancement du programme « 2000 toits pour 2000 familles », après être entré dans le milieu associatif en 1990. Il a passé 12 ans à Lyon dans l’accompagnement des ménages, la gestion de  logements temporaires, le montage de projets. En collectivité, il a été animateur d’un plan départemental PDALHPD, et géré un Fond de solidarité logement pendant 5 ans.

Crédit photo: Seb Godefroy